JIM
04/07/2008

Présentée dans un numéro récent d’une revue canadienne, une observation clinique illustre le dilemme parfois posé entre le respect du secret professionnel et le souci d’informer sur un risque grave et potentiellement évitable, dilemme qui comporte donc à la fois des implications légales et médicales.

Il s’agit de Madame B., que des antécédents familiaux de KS amènent à s’inquiéter pour elle-même et consulter à ce sujet son médecin, le Dr T. qui lui prescrit un test génétique, lequel retrouve une mutation BRCA1. Le praticien lui explique alors clairement les conséquences de ce résultat pour elle-même et pour sa fille de 29 ans, patiente du même Dr T. Ce dernier recommande à Mme B. d’informer sa fille, ou propose de le faire en son nom, mais celle-ci refuse obstinément, au motif que sa fille est sur le point de se marier et qu’elle ne veut pas assombrir son bonheur par ces révélations affligeantes.

De son côté, la jeune femme, ayant pris connaissance d’une brochure sur les risques familiaux du KS, va également consulter le Dr T. Celui-ci est alors confronté à un difficile problème éthique : doit-il révéler les résultats du test génétique contre la volonté de Mme B. ou exposer Mlle B. à ignorer une information qui lui permettrait de prendre des mesures adaptées, c’est-à-dire subir à son tour d’un test génétique, commencer plus tôt les mammographies, voire prendre des décisions concernant son mariage et ses grossesses ? Bien que médicalement justifiée, cette seconde attitude affecterait sans nul doute la relation de confiance qui le lie à Mme B. ainsi que les liens de celle-ci avec sa fille et aurait des conséquences psychologiques délétères pour les deux femmes.

Parmi les différentes options qui s’offrent au Dr T., il pourrait choisir une position intermédiaire, une situation exceptionnelle, (gravité du risque, possibilité d’une prévention) méritant une attitude exceptionnelle. Il pourrait ainsi encourager Mlle B. à reconstituer son arbre généalogique, discuter de ses risques sans faire référence au test de sa mère et lui conseiller également de le subir à son tour, tout en sachant que Mme B pourrait en concevoir quelque ombrage.

Cependant, le problème resterait entier si Mlle B avait consulté pour un tout autre motif.

La législation canadienne (et française) n’impose pas le devoir d’informer en matière génétique, à l’inverse de ce qu’elle prévoit pour certaines maladies transmissibles à déclaration obligatoire.
Autrement dit, si le médecin ne parvient pas à convaincre sa malade de la nécessité de partager l’information avec sa famille, ou d’accepter qu’il la transmette en son nom, il doit savoir que la divulgation de cette information, non seulement n’est pas obligatoire, mais peut même lui être reprochée en justice alors même que le bénéfice de cette transmission est urgent et concret.

Dr Jean-Fred Warlin